Fuir ! Fuir ! Fuir !
Et même plus encore...
Les hurlements se sont tus, mais peut-être est-ce une tactique des loups, pour mieux se rapprocher sans bruits...
Dieu, que la neige est épaisse et ses deux jambes bien lourdes.
Voilà des heures qu'il progresse péniblement à travers bois et champs...
Le soleil ne va plus tarder à se montrer.
En cet instant, il eût aimé en avoir quatre, à la place de ses deux bras de trop...
Une prière, adressé au Père Noël, trop occupé ailleurs pour l'entendre.
Mais à la loterie des mauvais sorts, l'ont choisi rarement ses tracas...
-"Plus vite, le monstre !", se dit-il à lui-même...
Quand résonne un...
Crrriiiiieeeeeeeeeuuu
... En provenance du ciel...
L'ombre qui se dessine sur la neige, grâce au clair de Lune, le survol, en le frôlant de si près,
qu'il s'en trouve obligé de plonger dans la poudreuse...
Ce n'est pas un ange de Noël, plutôt un aigle d'une taille exceptionnelle.
Toy-rions se relève, l'aigle revient sur lui, pour l'attaquer à nouveau...
Nouveaux piqué et plongeon...
L'aigle le rate encore et, furieux d'être privé de sa proie, défèque en visant la tête.
Toy-rions a le sentiment d'être un petit mulot, courant pour sauver sa peau,
dans les grandes herbes des plaines de Nouvelle France, celles qui se trouvent au sud des grands lacs.
Voyant un bosquet, il bifurque, l'aigle arrive plein gaz dans son dos, mais toujours pas assez vite...
Ce sont des épineux, le visage lacéré par les branches, il se fraie un passage,
avec l'aide de l'arbalète et du sceptre, pour déboucher sur un sentier forestier...
Au même moment, un traîneau, son musher et ses huskies, arrivent sur lui !
Freinage d'urgence, mais de peur, Toy-rions glisse,
tombe sur le dos et se retrouve nez à truffe, avec le chien de tête...
Étonnement partagé des deux cotés, mais point de temps pour se saluer...
L'aigle est de retour, se loupe une fois encore, percute l'attelage, culbute et, pour finir,
se crashe dans une tourbière, bordant le sentier.
Réflexe immédiat du conducteur, ou plutôt, de la conductrice,
qui craque une allumette de grande taille et la jette sur le volatile.
L'oiseau, déjà sonné par le choc, n'a pas le temps de réagir et par la faute des gaz qui l'entourent,
voit son plumage s'embraser.
Poussant un horrible cri de douleur, il bat des ailes et essaye de décoller,
mais ne fait qu'alimenter en air, les flammes dévorant son corps.
Les vapeurs de gaz détonnent et le souffle projette la conductrice...
Glissant, elle aussi, sur la neige, elle se retrouve côte à côte avec Toy-rions...
-"Kof ! Kof !"
-"Rheuuu..."
-"... Bien le bonjour, Monsieur quatre bras..."
-"Ce doit être très pratique, pour aider les jeunes femmes en détresse à se relever ?"
-"Heu..."
-"Mince !"
-"Enchantée !"
-"Je m'appelle 'Jackie Alfred Longdone Von Hotcock'..."
-"Vous êtes Anglo-Allemande ?"
-"Métis, descendante de familles Anglaise et Hollandaise."
-"Moi, c'est Toy-rions..."
-"Toy-rion Lannystaire."
-"Ha... Et vous vous rendez ?"
-"Je... Je ne sais pas..."
-"Je fuis les loups."
-"Ils me traquent."
-"Un aigle... Des loups... Vous êtes fâché avec le Monde animal ?"
-"C'est... Compliqué !"
-"S'il s'agit des meutes que j'ai croisées, pour le moment, elles sont occupées à chasser pour se nourrir."
-"Mes... Mes quatre bras, ne vous choquent pas ?"
-"Je suis écrivaine et journaliste ou l'inverse, comme vous voulez..."
-"Et vous avez l'air, d'être un excellent sujet pour écrire un article..."
-"Si vous souhaitez faire de vieux os, je vous déconseille fortement, de publier quoi que ce soit sur moi et mes bras."
-"C'est une menace ?"
-"Oui !"
-"Mais elle n'émane pas de moi, il y a des forces obscures, qu'il vaut mieux ne pas déranger..."
-"Ha ?"
-"Bien... En attendant d'en savoir plus, je vais au Nord Ouest..."
-"A Kébec, précisément."
-"Mais d'abord, je dois passer par les chutes de l'Onguiaahra, où j'ai rendez-vous avec Mamayrmayoda, chef et guérisseuse, de la Nation Neutre."
-"J'y vais pour écrire une chronique hebdomadaire*, sur les trappeurs et le commerce de la Rivière qui Marche, qui sera publiée dans 'The Sunday Evening Post' of New York..."
-"La Rivière qui Marche ?"
-"C'est le nom que les Indiens donnent au fleuve Saint-Laurent qui rejoint l'Atlantique."
-"Mamayrmayoda, désire qu'à chaque hiver, soient sculptés dans l'eau gelée des chutes, quatre visages
géants, représentant de grands dirigeants de la nation Iroquoise..."
-"Gros Rappel, du titre des légitimes propriétaires et big business en devenir, tant elle est persuadée que les chutes attireront quantité de monde, d'ici à pas très longtemps..."
-"Bon... Faut dire, qu'elle fume pas mal de champignons..."
-"Si cela vous va, vous pouvez m'accompagner, il nous faut cinq jours pour arriver là-bas..."
-"Le temps de vous en raconter davantage..."
-"Tout à fait !"
-"Cinq jours... C'est plutôt rapide, vous êtes certaine, de ne pas surestimer vos bêtes ?"
-"Absolument, dents Blanches est un meneur hors pair et ce sont tous des chiens de course, de plus, le traîneau n'est même pas chargé."
-"Alors ?"
-"Vous avez mieux à faire ?"
-"Heu...."
-"Hé ! Ho ! Je vous parle..."
-"Mais... Vous regardez quoi ?"
-"Et bien... Il y a un cerf blanc, sur un gros rocher tout en haut du sentier, qui nous observe en irradiant d'une lueur irréelle..."
-"..."
-"Ben ça alors !"
-"Vraiment... Pas... Banal !"
-"C'est votre animal totem ?"
-"Heu.... Peut-être ?"
-"Je n'ai jamais mangé de viande, je n'appréciais pas la cuisine de mon père..."
-"Dans ses livres, de tels animaux sont appelés 'Patron-nurse', ils sont censés nous guider dans les moments périlleux..."
-"Il les considérait, comme hautement maléfiques."
-"Ha !"
-Vous êtes, décidément, un sujet, très, très, intéressant... Monsieur Toy-rions Lannystaire."
-"Le cerf nous indique la route que je dois prendre..."
-"Et je crois, que vous avez, comme qui dirait, la mort aux trousses..."
-"Alors, pourquoi hésiter ?"
-"Comme conclurait ma copine Scarlett, 'Autant en emporte le vent d'hiver et que glisse la galère..."
-"Une philosophe, votre copine ?"
-"Une planteuse de Manuka.
-"... ?"
-"Mon père, a fait pendre pour sorcellerie, des guérisseuses qui utilisaient ce miel pour soigner les gens !"
Mouvement de recul de Jackie.
-"Haut les quatre Mains, Monsieur Lannystaire !"
-"Que vous arrive-t-il ?"
-"Je crains fort, que nous ne soyons pas vraiment du même camp !"
-"Non ! Non !
-"Vous vous m'éprenez !"
-J'ai... J'ai tué mon père !
-"Ce qui s'est passé à Salem !"
-"C'est l'œuvre de votre père ?"
-"Oui !"
-"Pourquoi l'avoir tué ?"
-"C'était un accident !"
-"Pourquoi vous ferais-je confiance ?"
Aouuuuuuuuuuuwwwwwwww
-"On reste à attendre de se faire croquer, ou l'on s'explique gentiment chemin faisant ?"
Couverture illustrée par Charles Livingstone Bull.
